lunes, 10 de diciembre de 2007

Approbation de la nouvelle Constitution

Dans la nuit du 8 au 9 décembre, le texte de la nouvelle Constitution a été approuvé dans le détail, à Oruro, après une révision plus que rapide, environ 14 heures.
Les commentaires externes au MAS, tant du côté "indien" que du côté de la droite (PODEMOS), sont évidemment critiques, en particulier parce que la Constitution serait une espèce de "pot-pourri", qui aurait pour intention de vouloir satisfaire tout le monde, en espérant parvenir ainsi à rétablir une certaine paix sociale.


D’un côté, les secteurs "indianistes" reprochent au MAS de ne pas avoir véritablement transformé la structure de l’Etat néo-colonial, en ne faisant qu’ajouter certains termes (pas encore bien définis) concernant la population « indienne » : communautaire, réciprocité, autonomies indigènes, population indigène-originaire paysanne (alors que le recensement de 2001 a montré que la majorité de la population indienne est urbaine), propriété communautaire, juridiction indigène (droit coutumier). D’autres critiques concernent plus particulièrement le maintien de la propriété privée, à côté de la propriété communautaire et de propriété de l’Etat. Leur critique rejoint celle de secteurs de la gauche indigéniste, dont de nombreuses propositions en tant que Pacte d’Unité n’ont pas été reprises dans le nouveau texte constitutionnel. D’autres, enfin, reprochent au texte d’avoir été élaboré par quelques assesseurs non-indiens, qui auraient d’une certaine façon idéalisé l’Indien, le droit coutumier, l’économie communautaire, bref, de ne pas connaître la réalité actuelle de la population indienne.

De l’autre côté, l’opposition de droite, c’est-à-dire PODEMOS, les Comités Civiques de Santa Cruz, Béni, Pando, Cochabamba, Chuquisaca y Tarija, et certaines préfectures, considère que le nouveau texte est une claire atteinte à leurs intérêts économiques, puisque la propriété agraire sera limitée à 5.000 ou 10.000 Ha (un référendum devrait définir la superficie autorisée), et devra obligatoirement assumer une fonction économique et sociale. Le MAS prévoit également une révision de l’origine de certaines fortunes de l’oligarchie de Santa Cruz, ce qui indirectement est à l’origine de réactions négatives de la part de l'élite de ce département.


Ce qui est clair, c’est que le MAS n’a pas pensé le pays en termes d’interfaces de systèmes, mais bien en termes de juxtaposition ou d’agrégat de ces systèmes politiques, économiques, juridiques, et sociaux. Or, nous sommes bien en face d’un antagonisme de civilisation : d’un côté un système capitaliste, dont les représentants sont d'ailleurs d'origine occidentale et se revendiquent comme tels (croate, libanaise, etc.), fondé sur l’intérêt privé, le développement extensif basé sur la technologie de pointe, l’exportation, l'entreprise privée, le paradigme positiviste, etc. D’un autre côté, un système procédant de la civilisation amérindienne, basé sur le principe de réciprocité, le développement qualitatif, intégral (économique, social, symbolique) et que l’on peut plus facilement comprendre à partir du nouveau paradigme scientifique.

La nouvelle Constitution n’a pas permis un dialogue de civilisation, mais au contraire de renforcer la relation de force entre les deux systèmes. Mais ce dialogue était-il possible ? Je ne le pense pas, car pour qu’il y ait dialogue, il faut que les deux parties en présence se reconnaissent d’abord comme interlocuteurs égaux, or l’élite politique, économique et intellectuelle de l’Orient du pays, considère encore les Aymaras et les Quechuas (les « Qullas »), comme des sous-hommes, des ignorants, comme une race inférieure (cf. les insultes racistes proférées contre les Assembléistes à Sucre ). Evo Morales est président depuis 2005, mais ils ne l’acceptent pas encore comme tel ! Difficile alors d'établir un dialogue...

sábado, 1 de diciembre de 2007

Nouvelle Constitution bolivienne

Cf. texte intégral de la nouvelle Constitution en espagnol: http://www.constituyentesoberana.org

Ce document approuvé "globalement" (en grande), doit maintenant être révisé dans le détail...

domingo, 25 de noviembre de 2007

Approbation de la Nouvelle Constitution dans un climat de violence

Hier soir, le nouveau texte constitutionnel fut approuvé dans un climat de violence qui coûta la vie à deux personnes et plusieurs blessés. Depuis plusieurs jours, les opposants au gouvernement empêchaient, physiquement, la réouverture des sessions de l’Assemblée Constituante qui devait terminer les débats en vue d’obtenir le consensus de tous les articles de la nouvelle Constitution.

Les opposants au Gouvernement d’Evo Morales sont organisés autour des Comités Civiques des départements de Santa Cruz, Béni, Pando, Tarija, Cochabamba et Chuquisaca, qui défendent leurs propres intérêts économiques et le modèle néolibéral en Bolivie.

lunes, 12 de noviembre de 2007

AGRESSIONS PHYSIQUES ET VERBALES ENVERS LES ASSEMBLÉISTES DU MAS. "Quand les monstres surgissent..."

L'assemblée constituante est en difficulté: il ne manque plus que 30 jours pour que le texte final soit présenté, 85% du travail est fait et a obtenu le consensus de tous les partis, et du coup les opposants de droite commencent à paniquer. Vendredi dernier, un groupe de choc de la droite à battu trois constituants dans la rue, les assembléistes femmes, indiennes, se font insultées dans la rue, on ne les accepte pas dans les restaurants de Sucre (ville de droite), et la sécurité n'est plus garantie. Le MAS a la ferme intention de terminer le travail, et il est donc question de réaliser les sessions dans une autre ville, Cochabamba ou Oruro (le préfet d'Oruro est du MAS, mais pas celui de Cochabamba). On suppose que ce sont les familles terratenientes de Santa Cruz qui sont derrière cette tentative de boycott, mais pourtant leurs intérêts ne sont pas en jeu dans la Constitution, puisque la loi prévoyant l'expropriation de leurs terres est promulguée depuis longtemps, et leur autonomie départementale est consolidée par la nouvelle Constitution... C'est un sabotage de fond, d'une élite qui n'a pas encore accepté d'avoir un président indien, qui ne reconnaît aucun droit aux indiens, etc. On suppose également, que ces familles de Santa Cruz, qui se sont organisées en Comité Civique dans 5 des neufs départements du pays, se trouvent les multinationales pour qui les nouveaux contrats d'exploitation du gaz naturel représentent de grosses pertes.
On se rend compte que nous sommes à un tournant de l'histoire qui prendra du temps à être accepté par l'ancienne élite. Comme Gramsci disait: "L'ancien système se meurt, le nouveau tarde à naître, et dans ce clair-obscur surgissent des monstres...".

miércoles, 17 de octubre de 2007

Accord sur les autonomies

Afin d'éviter la paralysie de l'Assemblée Constituante sur le thème du transfert du siège du gouvernement -actuellement à La Paz- à la capitale de Sucre, un Conseil Politique a été créé qui regroupe des constituants des 13 forces politiques représentées à l'Assemblée Constituante et qui est placé sous la direction du vice-président A. García Linera.
Ce Conseil Politique a fait connaître l'Accord signé concernant les différents niveaux d'Autonomie qui seront reconnus dans la nouvelle Constitution (après bien sûr le Référendum populaire qui acceptera ou refusera le nouveau texte constitutionnel).

ACCORD CONCERNANT LES AUTONOMIES

La nouvelle Constitution bolivienne de l’Etat établit : autonomies départementales, regionales ou provinciales, indigènes originaires paysannes et municipales, toutes accompagnées d’une juridiction territoriale.
Les autonomies, en ce qui concerne leurs principes, portées, structure, compétences, attributions et coordination seront régies par la nouvelle Constitution politique de l’Etat et une Loi Cadre des Autonomies et de la Décentralisation, qui sera approuvée par les deux tiers des votes de l’organe législatif, garantissant l’unité et la souveraineté nationales.

Autonomies :

a) Départementale : Les départements où a gagné la réponse affirmative lors du référendum du 2 juillet 2006 accèderont directement à l’autonomie départementale.
Ses portées sont : l’élection directe de leurs autorités par tous(tes) les citoyen(ne)s et la faculté législative exclusive pour émettre des normes départementales dans le cadre de sa juridiction et des compétences exclusives assignées par la nouvelle Constitution Politique de l’Etat et la Loi Cadre des Autonomies et de la Décentralisation.
Ces dispositions seront dotées d’instruments à travers le statut autonomique départemental, qui sera approuvé par les deux tiers des membres de l’organe départemental à l’intérieur du cadre de la Loi des Autonomies et de la Décentralisation.

b) Régionales ou provinciales : Les autonomies régionales ou provinciales seront conformées dans le cadre de la juridiction et des limites départementales sur la base de l’association des municipalités ou des provinces. Sa conformation et ses compétences devront être décidées et conférées par deux tiers des votes de l’organe départemental compétent, en tenant compte de la volonté de la population concernée.

c) Indigène Originaire Paysanne : Les peuples indigènes originaires paysans, appliquant leur droit à la libre détermination, conforment des autonomies dans le contexte municipal et de leurs territoires, dans le cadre de la Convention 169 de la OIT et de la déclaration des Nations Unies sur les peuples indigènes. Dans le cas des territoires indigènes qui dépassent les limites municipales et départementales, l’autonomie indigène garantira l’unité de gestion territoriale et interviendra au moyen des associations de municipalités (mancomunidades), sans affecter les limites départementales et municipales.

d) Municipales : La structure, composition et compétences des gouvernements municipaux seront déterminés dans la nouvelle Constitution Politique de l’Etat et dans la Loi.
La nouvelle Constitution Politique de l’Etat établit que, dans les départements décentralisés, l’élection de préfets et des conseillers départementaux sera réalisée par vote populaire. Ces départements pourront accéder à l’autonomie départementale au moyen de la réalisation d’un référendum « relié » (vinculante) à l’organe législatif.

En ce qui concerne les autonomies, la primauté et la prélation légale de la Constitution Politique de l’Etat, Loi, Décrets Suprêmes, Norme Départementale, Ordonnance Municipale, seront reconnues.

Les Décrets Suprêmes n’interfèrent pas dans les attributions assignées dans la nouvelle Constitution Politique de l’Etat aux gouvernements départementaux autonomes.
Toutes les formes d’autonomie et de décentralisation seront sujettes à des processus de contrôle et de fiscalisation de la part des entités publiques compétentes au niveau national.
Il est établi que le traitement des compétences autonomiques sera réalisé dans une deuxième phase, immédiatement après la signature du présent accord. La faculté législative normative départementale s’exerce dans le contexte des attributions exclusives incorporées au nouveau texte constitutionnel.

En application de l’accord national pour la viabilité de l’Assemblée Constituante, le présent accord est signé par les représentants des différentes forces politiques.

La Paz, 11 octobre 2007

miércoles, 11 de julio de 2007

Grande Marche en provenance des Terres Basses

Une grande Marche organisée par la Confédération Indigène de l’Orient (CIDOB) est partie de Santa Cruz le 7 juillet en vue de défendre l’incorporation des Autonomies Indigènes dans la nouvelle Constitution. Les organisateurs pensent arriver à Sucre le 28 juillet. La caravane est conformée de près de 300 personnes, en majorité des femmes et des enfants.
L’enjeu de cette 4éme Marche indienne en provenance des Terres Basses concerne avant tout la creation d'autonomies indigenes, un sujet qui oppose les autorités de Santa Cruz et les partis d’opposition qui défendent les autonomies départementales, et le parti au gouvernement, le Pacte d’Unité et de nombreuses organisations des peuples originaires, qui revendiquent la création d'autonomies indigènes. « Il n’est pas possible de construire 36 nations indigènes originaires et six interculturelles (…). Leur reconnaissance est juste possible au niveau culturel, au niveau du respect de leurs us et coutumes », a affirmé le législateur de l’opposition Antonio Franco.vendiquent la mise en place d’autonomies indigènes.

viernes, 1 de junio de 2007

La Réciprocité dans la nouvelle Constitution

Réciprocité et complémentarité

La réciprocité est un concept important de la nouvelle Constitution bolivienne. On le retrouve par exemple dans la proposition du Pacte d’Unité dans plusieurs articles qui traitent des principes qui devraient régir les relations internes et les relations internationales ; on le retrouve également dans les propositions du MAS.

Il est donc important de préciser comment peut s’appliquer le principe de réciprocité au sein du pays, et entre la Bolivie et les autres pays.

La réciprocité devrait être reconnue comme le principe de différentes structures qui sont les matrices de toutes les valeurs : la justice, la liberté, l’équité, la fraternité, la dignité, etc. Et c’est l’apport fondamental des peuples indiens (indígenas originarios) à la Bolivie que de permettre la création, à volonté, de ces valeurs au sein, non seulement de leurs territoires, mais du pays entier. Cela implique que la réciprocité soit reconnue comme le principe d’organisation et de fonctionnement dans les territoires indigènes. Il faut reconnaître dans la Constitution une territorialité à la réciprocité pour qu’elle puisse se développer, être à la base des relations sociales, économiques et politiques de ces territoires, et pour pouvoir créer des interfaces avec l’échange.

Reprenons l’article 2 de la proposition du Pacte d’Unité : (la Bolivie) se fonde sur les principes d’unité, de solidarité, de réciprocité, de complémentarité, d’harmonie, d’équilibre, d’équité sociale et sexuelle dans la participation, la distribution et la redistribution des produits et des biens sociaux, avec équité sexuelle, pour « vivre bien ».

Ces derniers mois, en Bolivie, l’unité et la complémentarité ont été utilisées pour désigner les modalités des rapports possibles à mettre en place entre l’Orient et l’Occident boliviens, rapports qui dissimulent un antagonisme entre un modèle capitaliste de développement mis en place par les entrepreneurs des terres basses (surtout du département de Santa Cruz), et un modèle de développement plus qualitatif et social proposé dans les Hauts Plateaux. Évidemment, il s’agissait également de trouver un mécanisme pour établir des relations constructives entre la population « camba », de diverses origines (libanaise, juive, etc.), qui contrôle le pouvoir à Santa Cruz, et la population « colla » de l’Altiplano.

Il y a en réalité deux idées sous-jacentes au concept de « complémentarité » tel qu’il est utilisé dans le débat public.

D’une part, un antagonisme de civilisation et de modèle, avec un modèle plus individualiste basé dans une économie d’échange de type libéral, d’un côté, et un modèle plus « communautaire », basé dans une économie de réciprocité, d’un autre côté.

D’autre part, le terme de « complémentarité » fait allusion au concept aymara d’allqa, par lequel on désigne dans les Andes deux termes opposés mais complémentaires, comme le bas et le haut, la droite et la gauche, etc. Ils sont opposés mais complémentaires car un principe les unit : il n’y a pas de bas sans haut, pas de droite sans gauche, etc. Il n’y a pas ici d’antagonisme entre forces contraires car dès le départ, ces oppositions sont liées par un principe commun : la hauteur pour le bas et le haut, la latéralité pour la gauche et la droite.

On le devine, tel n’est pas le cas de la division du pays. Il s’agit bien d’un antagonisme de civilisation – plus que de culture-, un antagonisme historique provenant de la colonisation. Pour dépasser cet antagonisme, il ne serait pas suffisant de déclarer que l’Occident est complémentaire de l’Orient, comme s’il s’agissait de deux moitiés d’un ayllu. On ne pourrait pas non plus se représenter le pays comme un tout, à partir d’une parole d’union pour reprendre les concepts de la théorie de la réciprocité, sans au préalable créer une structure qui permette de dépasser l’antagonisme initial.

Il serait alors souhaitable que cet antagonisme soit reconnu comme la base de la contradiction bolivienne, et de créer des interfaces qui permettent que chacun des modèles de société puisse se développer librement, et permette à la fois le développement de l’autre, qu’il s’agisse d’ailleurs des relations internes ou des relations internationales que la Bolivie établit avec les pays libéraux.

« Unitaire et Plurinational » : une contradiction ?

La proposition indigène d’un « Etat Unitaire et Plurinational », dont nous avons parlé dans l’envoi précédant, fait problème. Comment peut-on être à la fois « Un » et « Plusieurs »? Un idéologue de l’opposition a écrit:

« Joindre dans une seule formule les deux expressions c’est ne pas se rendre compte que ce c’est incohérent, ou mieux encore, c’est ne pas comprendre ce qu’on dit. « Unitaire » est incompatible avec « Plurinational ». « Unitaire » signifie que le pouvoir ou le système des décisions politiques d’un pays réside dans un seul centre, qui s’exprime normalement dans les trois pouvoirs de l’Etat, divisés fonctionnellement mais pas territorialement. Le « plurinational » signifie qu’il existe plusieurs « nations » divisées territorialement et auxquelles il ne serait pas cohérent de nier la constitution de pouvoirs équivalents aux pouvoirs d’un Etat unitaire, ce qui fait que « plurinational » entre en contradiction avec « unitaire ». (…) Dans aucun pays au monde il existe un Etat « plurinational » qui soit à la fois « unitaire », parce que c’est une contradiction de termes : c’est l’un ou l’autre mais pas les deux à la fois ! ».

Ce commentaire est intéressant du point de vue de la théorie de la réciprocité, puisqu’il renvoie au concept de contradiction. On le sait, la logique classique d’Aristote se base sur l’idée qu’une chose qui est identique à soi-même ne peut être identique à une autre chose. Si A est A, A n’est pas B. Ces deux principes (identité et contradiction entre A et B) a fondé toute la pensée occidentale depuis l’Antiquité, jusqu’à l’apparition de la Physique Quantique. Celle-ci découvre en effet que la lumière peut-être onde et particule, selon l’instrument d’observation utilisé par le chercheur. C'est-à-dire que la lumière peut être continue (onde) et discontinue (particule). Dans la primière moitié du XXe siècle, le philosophe et physicien Stéphane Lupasco propose une la logique du contradictoire que l’on peut résumer ainsi : "A tout phénomène ou élément ou événement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au signe qui le symbolise : e, par exemple, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition,un signe contradictoire : non-e ; et de telle sorte que e ou non-e ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de non-e ou e, mais non pas disparaître afin que soit non-e soit e puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse (comme dans toute logique, classique ou autre, qui se fonde sur l'absoluité du principe de non-contradiction). On voit alors que parmi tous les degrés intermédiaires d'une actualisation/ potentialisation, un moment d'équilibre peut exister, où deux actualisations inverses sont à égalité et s'annulent : Lupasco appelle ce moment contradictoire en lui-même : état-T, "T" comme "Tiers inclus" » (http://mireille.chabal.free.fr/lupasco.htm).

Dominique Temple, quant à lui, découvre que les structures qui permettent de créer à volonté le contradictoire, sont toutes des structures de réciprocité. En effet, la réciprocité « permet à celui qui agit de subir l’action dont il est l’agent grâce à l’action de son partenaire ou d’un autre partenaire de sorte qu’il devienne le siège de l’interaction entre l’agir et le subir. » Entre les deux consciences, la conscience de l’agir et la conscience du subir, il se crée une résultante qui est la même pour tous ceux qui participent de la même structure de réciprocité puisque cette résultante ne peut se construire sans la participation d’autrui. Cette connaissance ne peut pas être une connaissance non-contradictoire, puisqu’elle est la relativisation de l’une et l’autre des consciences antagonistes. Elle est contradictoire et se traduit par une conscience affective.

Cette conscience affective s’exprime cependant par deux modalités distinctes : soit par le principe d’opposition, soit par le principe d’union, dont nous venons de parler dans le texte antérieur. La parole d’opposition est l’expression de cette conscience par l’opposition complémentaire des deux termes qui ont été mis en jeu (les deux moitiés urin et aran de l’ayllu, par exemple) ; la parole d’union, par contre, réunit ce que la parole d’opposition divise : elle s’exprime comme une totalité, non pas homogène et close, mais plutôt le rassemblement de termes légèrement différenciés (la marka dans les Andes qui réunit de nombreux ayllus comme centre cérémoniel, politique ou économique).

Ce qui est contradictoire, en soi, ce n’est pas le fait que l’on puisse se représenter la communauté par une parole d’opposition et, dans d’autres circonstances, par une parole d’union, mais bien ce qui a donné origine à ces deux paroles et qui résulte de la relativisation de forces totalement contraires, non complémentaires, et que l’on appelle le Contradictoire, la conscience affective.

Or, il me semble que la proposition indigène d’un Etat « Unitaire » et « Plurinational » se base plutôt dans le fait que la Bolivie puisse être représentée comme un pays unitaire, la nation bolivienne, mais qu’elle peut également, dans d’autres circonstances, être conçue comme l’articulation de différentes nations. Les deux drapeaux qui flottent sur les murs du Palais Présidentiel depuis l’élection d’Evo Morales, me semblent être une image de cette possibilité de concilier dans un même lieu, l’unité et la diversité.

Mais s’il n’y pas contradiction entre l’un et le deux, lorsqu’il s’agit de se représenter le pays, mais il y en a bien une lorsqu’il s’agit de penser les rapport de civilisation. Ceci est un problème de fond. Pour les partis de l’opposition, le pays est toujours pensé comme une seule nation, même si ils reconnaissent une certaine « dette historique » envers les peuples originaires, et acceptent donc de joindre l’épithète d’interculturel dans leur vision de pays (interculturel étant, soit dit en passant, un autre terme polysémique et ambigu dont on reparlera une autre fois).

Or, ce problème n’est pas abordé. Comment concilier des civilisations dont l’une prône l’échange comme seule modalité de relations, et l’autre, la civilisation amérindienne, qui se fonde sur des rapports de réciprocité ? Voici le vrai antagonisme de base qui requiert alors pour être résolu d’interfaces entre systèmes afin que l’un et l’autre des systèmes puissent se développer librement. Comment des structures de réciprocité auront-elles leur place, non seulement au sein des territoires indigènes, mais dans l’économie nationale ? Quelles interfaces créer pour qu’elles puissent contribuer au développement du pays, du « vivre bien » ? Poser les bonnes questions c’est déjà une partie de la réponse…

(cf. Liens Réciprocité dans les entrées latérales)

miércoles, 30 de mayo de 2007

Le centime de la dignité

La création d’un impôt de solidarité destiné aux enfants et aux jeunes sans logement et aux personnes âgées sans revenus a été proposée par un groupe de professionnels du MAS, le parti au gouvernement. Il s’agirait d’imposer de plusieurs centimes des produits de luxe, tels que la bière (0,10 Bs. par bouteille), l’alcool (singani, whisky, vins, etc. de 0,50 Bs. par bouteille), les cigarettes (0,05 Bs. par cigarette), l’essence et le diesel (0,10 Bs. par litre). Chaque habitant ferait donc une donation obligatoire aux plus défavorisés à travers l’Etat qui redistribuerait alors l’argent sous forme d’œuvres sociales : des auberges d’accueil pour 8.000 personnes.

Comment interpréter cette proposition ? Dans un premier temps, il est clair que l’Etat assume ici sa fonction de centre de redistribution, selon une structure de réciprocité verticale, propre de tous les Etats. Si cet argent est bien administré, c’est-à-dire si sa gestion n’implique pas la création d’une bureaucratie coûteuse, l’Etat pourrait gagner la confiance des boliviens et boliviennes, qui auraient alors le sentiment de participer à la construction d’une société plus digne.

¿Qui administrerait cet argent ? Il serait administré « directement par la société », selon l’expression de ses créateurs. En effet, il est prévu d’organiser une commission ad hoc composée d’un représentant de la Commission Permanente des Droits de l’Homme, de la Défense du Peuple, de l’Eglise catholique et du Ministère de l’économie. Mais la société civile se sentira t’elle vraiment représentée par cette commission ? Peut-être faudrait-il que des représentants d’organisations sociales soient aussi présents dans cette commission.

En ce qui concerne les tributaires, ils procèderont avant tout des populations les plus aisées, premières consommatrices d’alcool dans la pays. Mais la bière est également consommée abondamment lors des prestes, carnavals et autres fêtes des populations indiennes urbaines. La bière y est un bien de consommation, mais aussi de prestige, lorsqu’elle est donnée – par paires de bacs- durant les fêtes (prestes) organisées chaque semaine dans de nombreux quartiers et villages. Durant la fête du Gran Poder (« Grand Pouvoir ») de La Paz, la consommation de bière atteint 1.200.000 litres, mais il est vrai que la majorité de celle-ci est offerte par la Cervecería Nacional Boliviana aux différentes fraternités de danseurs.

On constate alors que ces bacs de bière, qui procèdent de la sphère de l’échange marchand, sont introduits dans la sphère de la réciprocité lors des prestes (institution de réciprocité centralisée mais bilatérale à travers de l’institution de l’ayni), puis retournent bien souvent dans la sphère de l’échange lorsque le surplus de bière est revendu à de nouveaux acheteurs, qui à leur tour introduisent les bacs de bière dans un circuit de réciprocité lors d’autres fêtes. Ils serviraient maintenant à alimenter un autre circuit de réciprocité : la redistribution des plus riches aux plus pauvres.

La redistribution qui serait mise en place par cet impôt permettrait à l’Etat de jouer un rôle de tiers responsable entre les plus riches et les plus pauvres en vue d’établir un équilibre entre eux. Il s’agit alors bien, dans ce cas-là, d’une redistribution productrice de valeurs éthiques, la justice, et aussi la fraternité entre les uns et les autres.

Par contre il n’est pas sûr que l’imposition de l’essence ait le même sens. Si l’on pense que le transport public est un secteur qui emploie la grande majorité des migrants indiens résidant en ville, on peut se demander s’il s’agit bien d’un produit de luxe.

Heureusement, cet impôt est imperceptible pour le porte-monnaie des consommateurs, et il est fort probable qu’il soit accepté sans opposition…

Dernier commentaire : on attend d’en savoir un peu plus sur la conception des auberges d’accueil, lorsque l’on se souvient des difficultés rencontrées par de telles initiatives dans le passé.

Selon les estimations, cet impôt devrait rapporter 80 millions de dollars annuels à l’Etat (environ 60 millions d’euros).

La production organique à l’origine de problèmes sociaux et écologiques?

La production de quinua organique, dans le cadre du commerce juste, s’est développée à une vitesse prodigieuse ces dernières années. Ainsi, dans les régions spécialement propices à la production d’une quinua de qualité d’exportation (Salinas, par exemple, dans le département d’Oruro), les producteurs ont abandonné la polyculture par rotation au profit d’une monoculture intensive et mécanisée de la quinua royale. Or les sols des Hauts Plateaux ne sont pas assez fertiles pour supporter les altérations provoquées par les tracteurs et une monoculture qui provoque rapidement une érosion importante. D’autre part, les agriculteurs qui voient dans l’exportation de quinua une façon rapide de s’enrichir compte tenu des prix avantageux de vente par rapport au prix local de la quinua, tentent de récupérer les moindres sillons libres de terrains de leur communauté. De nombreuses familles se trouvent ainsi affrontées les unes aux autres, et les autorités dans l’incapacité de gérer autant de conflits autour d’un enjeu fondamental : la terre. Un sujet de réflexion pour les défenseurs du commerce équitable capitaliste.

Un Etat Unitaire Plurinational Communautaire

L’idée de faire de la Bolivie un Etat Unitaire Plurinational Communautaire proposée par le MAS et le Pacte d’Unité pose problème à l’opposition, qui voit dans la juxtaposition des termes «unitaire» et «plurinational» une antinomie et un risque. « La proposition d’un Etat « plurinational » n’est pas défendable du point du vue analytique ; elle est politiquement dangereuse (« à haut risque ») ; et moralement peu responsable en raison des conséquences qu’elle aura sur le pays, alors qu’il existe d’autres voies, moins coûteuses, pour affronter le problème historique du pays », explique Jorge Lazarte, l’idéologue du parti de l’opposition Union Nationale (UN).

Pour l’opposition, il serait souhaitable de maintenir un Etat « National », qui reconnaîtrait la diversité culturelle du pays, de ses formes d’organisation politique et sociales, au sein d’autonomies indigènes, mais de ne pas les reconnaître comme Nations.

La proposition du Pacte d’Unité de reconstituer les territoires ancestraux des nations indiennes n’a pas été acceptée par le MAS, car ces nations (aymara, quechua, guarani, par exemple) se trouvent actuellement dans plusieurs pays sud-américains.

On le devine, la reconnaissance d’un Etat Plurinational est l’un des enjeux fondamentaux des discussions qui se déroulent actuellement au sein de la Commission de Vision de Pays à Sucre, puisque les nations indiennes représentent la majorité du pays. Aux pouvoirs actuels de l’Etat, actuellement au nombre de trois (Exécutif, Législatif et Judiciaire) s’ajouterait un quatrième pouvoir : le Pouvoir Social Plurinational, qui serait composé en majorité par les nations indiennes.

Face à cette reconnaissance politique des nations et peuples indiens, les débats s’animent de plus en plus à Sucre...
Poursuivons maintenant la lecture de la Proposition de Constitution du Pacte d’Unité qui regroupe plusieurs organisations paysannes, originaires-indiennes (indígenas) du pays. La proposition finale de Constitution du MAS n’est pas encore publique.

PROPOSITION ADOPTÉE PAR CONSENSUS PAR LE PACTE D’UNITÉ
Article 5.

I. La souveraineté réside dans l’ensemble des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et dans la population culturellement diverse des campagnes et des villes; elle est inaliénable et imprescriptible et d’elle émanent les fonctions et attributions du pouvoir publique; elle s’exerce de forme directe et a travers ses représentants dans les termes que cette Constitution établit. Les fonctions des pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire et Social Plurinational ne pourront pas être concentrés dans un seul organe.

II. Le pouvoir constituant réside dans les nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et dans la population culturellement diverse des campagnes et des villes; il est inaliénable imprescriptible et ne peut être délégué à aucun autre pouvoir public et est exercé de façon directe en défense de l’unité des intérêts de l’Etat Unitaire Plurinational Communautaire.

Article 6.

I. L’Etat Unitaire Plurinational Communautaire adopte pour son gouvernement la forme démocratique, participative, représentative et communautaire.

II. L’organisation politique se base dans le principe de participation des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et de la population culturellement diverse des campagnes et des villes dans la prise de décisions, au travers de ses propres mécanismes et de ceux établis dans cette Constitution; la responsabilité individuelle et sociale du mandat; la révocabilité et l’alternance des charges dans tous les niveaux de l’Etat.

III. La souveraineté s’exerce au moyen des mécanismes de démocratie suivants:

a) Participative, au moyen d’Assemblées et de Cabildos Communautaires, de Consultation préalable, de Referendums, Plébiscites, Initiative Législative Citoyenne et de Révocation de mandat.

b) Représentative, au moyen de l’élection de représentants par vote universel et secret, tout en garantissant la parité et l’alternance entre hommes et femmes.

c) Communautaire, au moyen de l’élection, la désignation ou la nomination de représentants selon normes particulières.

lunes, 28 de mayo de 2007

PROPOSITION DU PACTE D'UNITÉ

(Source: Site http://www.constituyentesoberana.org)

Le thème de la propriété des ressources naturelles est l’un des sujets les plus difficiles à traiter au sein même du Mouvement vers le Socialisme (MAS). En réalité, c’est un sujet de discussion qui reste ouvert au sein même du Pacte d’Unité qui regroupe la Confédération Syndicale Unique des Travailleurs Paysans de Bolivia (CSUTCB), de la Confédération des Colonisateurs de Bolivia, de la Fédération des Femmes Paysannes Bartolina Sisa, de la Centrale Indigène de l’Orient Bolivien, de la Confédération des Nations, Ayllus et Markas de l’Altiplano (CONAMAQ) et du Mouvement des Sans Terre.

Pour les Aymara, par exemple, les ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, doivent appartenir aux peuples indiens. C’est une revendication essentielle de la CONAMAQ, qui menace de ne pas reconnaître le travail de l’Assemblée Constituante, et de la déclarer une Pré-Assemblée Constituante si sa position n’est pas prise en compte.

Par contre les peuples indiens des Terres Basses demandent la reconnaissance des ressources naturelles renouvelables qui se trouvent à l’intérieur de leurs territoires. Selon l’Assembléiste Raúl Prada, le terme “propriété” pourrait être synonyme de “consultation” comme le stipule la Convention 169 de la OIT. Cependant, avec l’approbation du Décret Suprême qui reconnaît le droit de consultation aux peuples indiens, la discussion est restée ouverte.

Le Pacte de l’Unité est parvenue cependant à établir un consensus sur la grande majorité des articles de la nouvelle Constitution.

Nous présenterons les principaux articles de cette proposition en plusieurs parties, compte tenu de l’importance du document :

CONSTITUTION POLITIQUE DE L’ETAT (proposition du Pacte d’Unité)

TITRE 1

DISPOSITION GÉNÉRALE

Article 1.- Cette Constitution respecte et constitutionalise la préexistence des nations et peuples indigènes originaires et afrodescendants, le contrôle ancestral sur leurs territoires et garantit sa libre détermination qui s’exprime dans la volonté de conformer et de faire partie de l’Etat Unitaire Plurinational Comunitario, et dans le droit de contrôler ses institutions, son auto gouvernement, de développer son propre droit et sa justice, sa culture, ses formes de vie et de reproduction, de reconstituer ses territoires et le droit de définir son développement avec identité.

Article 2.- La Bolivie est un Etat Unitaire Plurinational Communautaire, libre, indépendant, souverain, démocratique et social, qui reconnaît le pluralisme juridique, politique, culturel et linguistique ; décentralisé et possédant des autonomies territoriales.

Il garantit une dignité égale pour les personnes, les nations, les peuples et les cultures et favorise le respect mutuel et le dialogue interculturel.

Il se base dans les principes d’unité, de solidarité, de réciprocité, complémentarité, harmonie, équilibre, équité sociale et de genre (sexuel) dans la participation, distribution et redistribution des produits et des biens sociaux, avec équité de genre (sexuelle), pour « vivre bien ».

Article 3.- La population bolivienne se compose des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et d’une population culturellement diverse, rurale et urbaine.

Article 4. Cette Constitution établit comme valeurs suprêmes : la liberté, l’égalité, la dignité humaine et la justice sociale.