sábado, 31 de mayo de 2008

Au-delà du problème racial

D'un point de vue politique, la situation bolivienne empire. Jeudi dernier, des affrontements ont eu lieu à Riberalta, capitale du Béni, lors de la conclusion de la campagne politique en faveur des statuts autonomiques de ce département (référendum le 1º juin). Les "colons" aymaras et quechuas installés dans les terres basses ont manifesté leur refus total de ces statuts, élaborés par une élite politique et économique en vue de consolider leur pouvoir local. De nombreuses organisations sociales du Béni ont manifesté leur totale opposition à ces statuts qui ne font qu'augmenter les privilèges de l'élite locale, comme à Santa Cruz.

L’Assembléiste Román Loayza a indiqué hier que l’Assemblée Constituante devait être respectée, et que toute modification légale du nouveau texte constitutionnel devra être réalisée par l’Assemblée Constituante. Il ajouta qu’il ne permettra aucune modification du texte constitutionnel en vue de le rendre compatible avec les statuts autonomiques départementaux.


Après de veines tentatives de plusieurs mois pour établir un dialogue entre le gouvernement et les préfets d'opposition (Santa Cruz, Béni, Pando, Tarija), Evo Morales fit le choix d'organiser un référendum révocatoire du président, vice-président et préfets, référendum prévu pour le 10 août. Pour rester en place, ces autorités devront obtenir le même pourcentage de votes que lors des élections qui les mirent en place (plus un vote).


Les incidents du 25 mai, à Sucre, au cours desquels une cinquantaine de paysans quechuas ont été déshabillés par un groupe de jeunes autonomistes et promenés ainsi dans les rues de la ville sous les insultes racistes les plus primaires, ont généré la contestation immédiate de tous les milieux sociaux et politiques. Les autorités civiques locales, d'opposition, ont présenté leurs excuses publiques le lendemain même.

Cette situation inacceptable ne fait qu'accentuer la dimension raciale du conflit, qui risque de conduire à un affrontement physique et meurtrier, si le débat en reste là. Le racisme latent et couvert pendant des décennies de la part d'une population métisse créole minoritaire qui contrôlait le pouvoir politique, envers la majorité indienne du pays (plus de 60%), est devenu maintenant une pratique courante, publique, d'insultes, de coups et d'humiliation.

Or le conflit actuel n'est pas que racial. Il s'agit d'un conflit entre deux civilisations antagonistes: la civilisation occidentale (moderne) et la civilisation amérindienne.

Cet antagonisme se traduit par des oppositions radicales entre un système économique fondé sur l'échange et les intérêts privés (de quelques familles latifundistes et des multinationales), face à un système communautaire de réciprocité; un système politique "monarchiste" (le statut autonomique de Santa Cruz prévoit l'immunité pour le gouverneur, vice-gouverneur, sous-gouverneurs et les assambléistes), face à un système démocratique qui favorise la participation directe ; un antagonisme religieux entre monothéisme et animisme.

L’analyse de la situation bolivienne en termes raciaux a une résonance importante dans les pays européens et occidentaux, sans doute parce qu’il rappelle des drames récents –et plus anciens- de l’histoire européenne, et qu’il porte atteinte à un droit humain des plus fondamentaux. Mais elle n’est pas suffisante pour comprendre les affrontements actuels et y faire face. Il faut dépasser ce niveau d’analyse –tout en dénonçant toute atteinte dans ce domaine- et analyser la crise actuelle en termes de front de civilisation pour ne pas tomber dans l'impasse de la violence et de la destruction.