miércoles, 30 de mayo de 2007

Le centime de la dignité

La création d’un impôt de solidarité destiné aux enfants et aux jeunes sans logement et aux personnes âgées sans revenus a été proposée par un groupe de professionnels du MAS, le parti au gouvernement. Il s’agirait d’imposer de plusieurs centimes des produits de luxe, tels que la bière (0,10 Bs. par bouteille), l’alcool (singani, whisky, vins, etc. de 0,50 Bs. par bouteille), les cigarettes (0,05 Bs. par cigarette), l’essence et le diesel (0,10 Bs. par litre). Chaque habitant ferait donc une donation obligatoire aux plus défavorisés à travers l’Etat qui redistribuerait alors l’argent sous forme d’œuvres sociales : des auberges d’accueil pour 8.000 personnes.

Comment interpréter cette proposition ? Dans un premier temps, il est clair que l’Etat assume ici sa fonction de centre de redistribution, selon une structure de réciprocité verticale, propre de tous les Etats. Si cet argent est bien administré, c’est-à-dire si sa gestion n’implique pas la création d’une bureaucratie coûteuse, l’Etat pourrait gagner la confiance des boliviens et boliviennes, qui auraient alors le sentiment de participer à la construction d’une société plus digne.

¿Qui administrerait cet argent ? Il serait administré « directement par la société », selon l’expression de ses créateurs. En effet, il est prévu d’organiser une commission ad hoc composée d’un représentant de la Commission Permanente des Droits de l’Homme, de la Défense du Peuple, de l’Eglise catholique et du Ministère de l’économie. Mais la société civile se sentira t’elle vraiment représentée par cette commission ? Peut-être faudrait-il que des représentants d’organisations sociales soient aussi présents dans cette commission.

En ce qui concerne les tributaires, ils procèderont avant tout des populations les plus aisées, premières consommatrices d’alcool dans la pays. Mais la bière est également consommée abondamment lors des prestes, carnavals et autres fêtes des populations indiennes urbaines. La bière y est un bien de consommation, mais aussi de prestige, lorsqu’elle est donnée – par paires de bacs- durant les fêtes (prestes) organisées chaque semaine dans de nombreux quartiers et villages. Durant la fête du Gran Poder (« Grand Pouvoir ») de La Paz, la consommation de bière atteint 1.200.000 litres, mais il est vrai que la majorité de celle-ci est offerte par la Cervecería Nacional Boliviana aux différentes fraternités de danseurs.

On constate alors que ces bacs de bière, qui procèdent de la sphère de l’échange marchand, sont introduits dans la sphère de la réciprocité lors des prestes (institution de réciprocité centralisée mais bilatérale à travers de l’institution de l’ayni), puis retournent bien souvent dans la sphère de l’échange lorsque le surplus de bière est revendu à de nouveaux acheteurs, qui à leur tour introduisent les bacs de bière dans un circuit de réciprocité lors d’autres fêtes. Ils serviraient maintenant à alimenter un autre circuit de réciprocité : la redistribution des plus riches aux plus pauvres.

La redistribution qui serait mise en place par cet impôt permettrait à l’Etat de jouer un rôle de tiers responsable entre les plus riches et les plus pauvres en vue d’établir un équilibre entre eux. Il s’agit alors bien, dans ce cas-là, d’une redistribution productrice de valeurs éthiques, la justice, et aussi la fraternité entre les uns et les autres.

Par contre il n’est pas sûr que l’imposition de l’essence ait le même sens. Si l’on pense que le transport public est un secteur qui emploie la grande majorité des migrants indiens résidant en ville, on peut se demander s’il s’agit bien d’un produit de luxe.

Heureusement, cet impôt est imperceptible pour le porte-monnaie des consommateurs, et il est fort probable qu’il soit accepté sans opposition…

Dernier commentaire : on attend d’en savoir un peu plus sur la conception des auberges d’accueil, lorsque l’on se souvient des difficultés rencontrées par de telles initiatives dans le passé.

Selon les estimations, cet impôt devrait rapporter 80 millions de dollars annuels à l’Etat (environ 60 millions d’euros).

La production organique à l’origine de problèmes sociaux et écologiques?

La production de quinua organique, dans le cadre du commerce juste, s’est développée à une vitesse prodigieuse ces dernières années. Ainsi, dans les régions spécialement propices à la production d’une quinua de qualité d’exportation (Salinas, par exemple, dans le département d’Oruro), les producteurs ont abandonné la polyculture par rotation au profit d’une monoculture intensive et mécanisée de la quinua royale. Or les sols des Hauts Plateaux ne sont pas assez fertiles pour supporter les altérations provoquées par les tracteurs et une monoculture qui provoque rapidement une érosion importante. D’autre part, les agriculteurs qui voient dans l’exportation de quinua une façon rapide de s’enrichir compte tenu des prix avantageux de vente par rapport au prix local de la quinua, tentent de récupérer les moindres sillons libres de terrains de leur communauté. De nombreuses familles se trouvent ainsi affrontées les unes aux autres, et les autorités dans l’incapacité de gérer autant de conflits autour d’un enjeu fondamental : la terre. Un sujet de réflexion pour les défenseurs du commerce équitable capitaliste.

Un Etat Unitaire Plurinational Communautaire

L’idée de faire de la Bolivie un Etat Unitaire Plurinational Communautaire proposée par le MAS et le Pacte d’Unité pose problème à l’opposition, qui voit dans la juxtaposition des termes «unitaire» et «plurinational» une antinomie et un risque. « La proposition d’un Etat « plurinational » n’est pas défendable du point du vue analytique ; elle est politiquement dangereuse (« à haut risque ») ; et moralement peu responsable en raison des conséquences qu’elle aura sur le pays, alors qu’il existe d’autres voies, moins coûteuses, pour affronter le problème historique du pays », explique Jorge Lazarte, l’idéologue du parti de l’opposition Union Nationale (UN).

Pour l’opposition, il serait souhaitable de maintenir un Etat « National », qui reconnaîtrait la diversité culturelle du pays, de ses formes d’organisation politique et sociales, au sein d’autonomies indigènes, mais de ne pas les reconnaître comme Nations.

La proposition du Pacte d’Unité de reconstituer les territoires ancestraux des nations indiennes n’a pas été acceptée par le MAS, car ces nations (aymara, quechua, guarani, par exemple) se trouvent actuellement dans plusieurs pays sud-américains.

On le devine, la reconnaissance d’un Etat Plurinational est l’un des enjeux fondamentaux des discussions qui se déroulent actuellement au sein de la Commission de Vision de Pays à Sucre, puisque les nations indiennes représentent la majorité du pays. Aux pouvoirs actuels de l’Etat, actuellement au nombre de trois (Exécutif, Législatif et Judiciaire) s’ajouterait un quatrième pouvoir : le Pouvoir Social Plurinational, qui serait composé en majorité par les nations indiennes.

Face à cette reconnaissance politique des nations et peuples indiens, les débats s’animent de plus en plus à Sucre...
Poursuivons maintenant la lecture de la Proposition de Constitution du Pacte d’Unité qui regroupe plusieurs organisations paysannes, originaires-indiennes (indígenas) du pays. La proposition finale de Constitution du MAS n’est pas encore publique.

PROPOSITION ADOPTÉE PAR CONSENSUS PAR LE PACTE D’UNITÉ
Article 5.

I. La souveraineté réside dans l’ensemble des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et dans la population culturellement diverse des campagnes et des villes; elle est inaliénable et imprescriptible et d’elle émanent les fonctions et attributions du pouvoir publique; elle s’exerce de forme directe et a travers ses représentants dans les termes que cette Constitution établit. Les fonctions des pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire et Social Plurinational ne pourront pas être concentrés dans un seul organe.

II. Le pouvoir constituant réside dans les nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et dans la population culturellement diverse des campagnes et des villes; il est inaliénable imprescriptible et ne peut être délégué à aucun autre pouvoir public et est exercé de façon directe en défense de l’unité des intérêts de l’Etat Unitaire Plurinational Communautaire.

Article 6.

I. L’Etat Unitaire Plurinational Communautaire adopte pour son gouvernement la forme démocratique, participative, représentative et communautaire.

II. L’organisation politique se base dans le principe de participation des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et de la population culturellement diverse des campagnes et des villes dans la prise de décisions, au travers de ses propres mécanismes et de ceux établis dans cette Constitution; la responsabilité individuelle et sociale du mandat; la révocabilité et l’alternance des charges dans tous les niveaux de l’Etat.

III. La souveraineté s’exerce au moyen des mécanismes de démocratie suivants:

a) Participative, au moyen d’Assemblées et de Cabildos Communautaires, de Consultation préalable, de Referendums, Plébiscites, Initiative Législative Citoyenne et de Révocation de mandat.

b) Représentative, au moyen de l’élection de représentants par vote universel et secret, tout en garantissant la parité et l’alternance entre hommes et femmes.

c) Communautaire, au moyen de l’élection, la désignation ou la nomination de représentants selon normes particulières.

lunes, 28 de mayo de 2007

PROPOSITION DU PACTE D'UNITÉ

(Source: Site http://www.constituyentesoberana.org)

Le thème de la propriété des ressources naturelles est l’un des sujets les plus difficiles à traiter au sein même du Mouvement vers le Socialisme (MAS). En réalité, c’est un sujet de discussion qui reste ouvert au sein même du Pacte d’Unité qui regroupe la Confédération Syndicale Unique des Travailleurs Paysans de Bolivia (CSUTCB), de la Confédération des Colonisateurs de Bolivia, de la Fédération des Femmes Paysannes Bartolina Sisa, de la Centrale Indigène de l’Orient Bolivien, de la Confédération des Nations, Ayllus et Markas de l’Altiplano (CONAMAQ) et du Mouvement des Sans Terre.

Pour les Aymara, par exemple, les ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, doivent appartenir aux peuples indiens. C’est une revendication essentielle de la CONAMAQ, qui menace de ne pas reconnaître le travail de l’Assemblée Constituante, et de la déclarer une Pré-Assemblée Constituante si sa position n’est pas prise en compte.

Par contre les peuples indiens des Terres Basses demandent la reconnaissance des ressources naturelles renouvelables qui se trouvent à l’intérieur de leurs territoires. Selon l’Assembléiste Raúl Prada, le terme “propriété” pourrait être synonyme de “consultation” comme le stipule la Convention 169 de la OIT. Cependant, avec l’approbation du Décret Suprême qui reconnaît le droit de consultation aux peuples indiens, la discussion est restée ouverte.

Le Pacte de l’Unité est parvenue cependant à établir un consensus sur la grande majorité des articles de la nouvelle Constitution.

Nous présenterons les principaux articles de cette proposition en plusieurs parties, compte tenu de l’importance du document :

CONSTITUTION POLITIQUE DE L’ETAT (proposition du Pacte d’Unité)

TITRE 1

DISPOSITION GÉNÉRALE

Article 1.- Cette Constitution respecte et constitutionalise la préexistence des nations et peuples indigènes originaires et afrodescendants, le contrôle ancestral sur leurs territoires et garantit sa libre détermination qui s’exprime dans la volonté de conformer et de faire partie de l’Etat Unitaire Plurinational Comunitario, et dans le droit de contrôler ses institutions, son auto gouvernement, de développer son propre droit et sa justice, sa culture, ses formes de vie et de reproduction, de reconstituer ses territoires et le droit de définir son développement avec identité.

Article 2.- La Bolivie est un Etat Unitaire Plurinational Communautaire, libre, indépendant, souverain, démocratique et social, qui reconnaît le pluralisme juridique, politique, culturel et linguistique ; décentralisé et possédant des autonomies territoriales.

Il garantit une dignité égale pour les personnes, les nations, les peuples et les cultures et favorise le respect mutuel et le dialogue interculturel.

Il se base dans les principes d’unité, de solidarité, de réciprocité, complémentarité, harmonie, équilibre, équité sociale et de genre (sexuel) dans la participation, distribution et redistribution des produits et des biens sociaux, avec équité de genre (sexuelle), pour « vivre bien ».

Article 3.- La population bolivienne se compose des nations et peuples indigènes originaires paysans, afrodescendants et d’une population culturellement diverse, rurale et urbaine.

Article 4. Cette Constitution établit comme valeurs suprêmes : la liberté, l’égalité, la dignité humaine et la justice sociale.